L'oiseau bleu passera-t-il encore ?

  • Imprimer

SOULE (64). --Alors que la saison des palombes, très rares cette année, touche à sa fin, les chasseurs des pantières de Gatagorena font grise mine. Et s'inquiètent

Le mois d'octobre est la période presque institutionnelle de la chasse aux migrateurs, et en particulier des palombes. La fièvre bleue, comme on l'appelle en Soule, est à tel point ancrée dans le microcosme local, que même les non-chasseurs ou les anti-chasse en parlent tous les jours ! Et de nombreux salariés n'hésitent pas à poser d'une année sur l'autre des congés pour unmois complet afin de s'adonner à leur passion. 
Sauf que cette année, partout en Soule, c'est la Bérézina ! D'Iraty à Béhorleguy, en passant par Naphal, l'oiseau bleu ne fait que de très rares apparitions, au profit de communes plus proches des côtes, comme Urrugne ou Sare, où on les compte par centaines de milliers chaque jour. Seuls les filets de Lanne-en-Baretous semblent tirer leur épingle du jeu. A Gatagorena, on tient le pompon de l'absentéisme palombier, avec seize anecdotiques prises depuis le début de la saison de chasse ! « Nous sommes de vrais héros cette année », plaisante Louis Chilope, un habitué du lieu depuis vingt ans. « Car enfin, il faut vraiment avoir l'amour de la chasse pour venir ici pour rien tous les matins ! » 


Trop chaud. Une quinzaine de passionnés ne raterait pourtant pas un seul jour de cette saison, même si bien souvent, les filets sont décrochés très tôt. Car malgré le temps radieux, la déception est de mise. Et pour cause : il y avait déjà eu 200 prises à la même époque l'an dernier. « On dit toujours que si l'on peut monter au col en sandales, c'est que la chasse sera bonne », lance Louis. 2005 sera t-elle l'exception qui confirme la règle ? « Les rares oiseaux qui passent par le col volent trop haut pour qu'on puisse les travailler jusqu'au bout. Je n'arrive pas bien à m'expliquer ce phénomène. Je suppose que le gros des palombes n'a pas encore entrepris sa migration, parce qu'il fait encore très chaud. A moins qu'elles ne soient à traîner dans le maïs, en plaine ? » 
A Gatagorena comme à Naphal, un certain pourcentage du produit de la chasse revient de droit à la commune d'Ordiarp, à partir de 1 000 palombes attrapées. Mais ici, cela fait un certain nombre d'années que le quota n'a pas été atteint. 


Une journée aux filets. Depuis quarante-deux ans, une journée de chasse à Gatagorena, ça commence dès 7 h 45. Dès que le jour se lève, chacun gagne son poste. Les filets sont levés, les autres chasseurs montent à leur cabane située plus haut sur la zone de chasse. Lorsqu'un vol de palombes est signalé (au sifflet par un guetteur situé à vingt minutes des pantières), ces rabatteurs actionnent leurs fameuses « palettes » qui imitent à la perfection le vol de l'épervier attaquant les oiseaux bleus. En bas, les filetiers referment le piège, et le pigeon ramier tant prisé est capturé ! Du moins en théorie. Comme il n'y a pas ou peu de passages, tout s'arrête aux alentours de 16 heures. 
Ici, l'on ne craint pas encore la grippe aviaire, que l'on considère plus comme une hystérie collective alimentée par des médias sous l'influence d'un état qui s'américanise qu'autre chose. Par contre, chacun s'inquiète de la disparition de l'oiseau bleu en montagne, et prête même désormais du crédit aux hypothèses des techniciens de l'association Organbidexka Col Libre (lire par ailleurs).