L'art de compter les palombes

L'art de compter les palombes

Trois mètres séparent les postes de comptage des écologistes et des chasseurs à Lizarrieta.

Il y a les chiffres de la police et ceux des syndicats. Des grands écarts à faire siffler les adducteurs. La différence est-elle aussi ridicule quand il s'agit de compter les palombes ? « Heureusement que non », répondent en chœur la Ligue de protection des oiseaux (LPO) et la Fédération de chasse, qui ont installé deux postes de comptage au col de Lizarrieta, à la frontière du Labourd et de la Navarre, au-dessus de Sare.

« Les techniques utilisées sont les mêmes, les outils aussi : jumelles et longues-vues. Il peut y avoir des différences de quelques centaines de têtes sur une grosse journée, mais à la fin de la saison, les chiffres sont semblables », assurent les deux responsables.

Pas de rancœur

La situation est suffisamment surprenante pour être soulignée : les deux postes sont éloignés simplement de quelques mètres. De quoi raviver les rancœurs entre les chasseurs et les écologistes, aux philosophies aussi différentes que celles d'un philatéliste et d'un cascadeur ? Pas du tout. La cohabitation est plutôt intelligente. Et comme le dit François Sabathé, le technicien responsable à la Fédération de chasse, ils sont là « pour la même chose » : comprendre le comportement des palombes.

« Sauf que nous ne comptons pas que les pigeons, reprend-t-on à LPO. Non seulement nous distinguons les pigeons ramiers (palombes) et les pigeons colombins, ce que ne font pas les chasseurs, mais nous observons également les autres espèces migratrices : cigognes, vanneaux, hirondelles, milans noirs, grues cendrées, spatules, grives… » Ce qui explique pourquoi les chasseurs recensent les pigeons que du 15 octobre au 15 novembre alors que les écologistes sont présents sur le site pendant trois mois.

Coup de fusil sur un chiot

Les grives, justement, ont passé une très mauvaise matinée. Car elles ont digéré du plomb navarrais, à quelques mètres de là, à chaque fois qu'elles ont voulu enfourcher la frontière. Juste au-dessus des postes de comptages, à un jet de caillou du parking de la venta de Lizarrieta, les chasseurs postés côté Navarre s'en donnent à cœur joie. Et les plombs fusent au-dessus des têtes des visiteurs.

Le responsable du site de la LPO soupire : « La semaine dernière, ils ont abattu mon chien, âgé de 5 mois. Je suis allé porter plainte à la guardia civile mais je n'ai pas eu le temps de repérer le tireur. Alors… »

Même les compteurs de la Fédération de chasse partagent le sentiment des écologistes : « Il y a un vrai problème de comportement chez certains chasseurs, aussi bien en France qu'en Espagne. Nous luttons contre cet esprit ''viandard'' qui fait du tort à tout le monde. »

Source Sudouest