Le vol de palombes se pose au tribunal

  • Imprimer

BÉHORLÉGUY. Les gardes-chasses avaient dressé procès-verbal à l'encontre de cinq rabatteurs sans permis mais avec talkie-walkie...

Le vol de palombes se pose au tribunal

Le ramier bleu fait tourner les têtes à l'automne. (Photo Fabien Cottereau)

Un nouvel épisode de la très longue et riche histoire de la chasse à la palombe s'est joué mardi matin, au tribunal de police de Bayonne. Pas n'importe quelle chasse. La traditionnelle, celle qui tend ses filets d'octobre à novembre sur la crête pyrénéenne entre Pays basque de France et d'Espagne. En Europe, seules dix pantières ont résisté au temps, elles sont basques ou béarnaise (une).

Deux questions étaient posées au tribunal après l'intervention le 25 octobre 2008 de gardes de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage à la pantière du col de Béhorléguy.

Les rabatteurs, le xatar chargé d'agiter le chiffon blanc pour effrayer le vol et l'orienter dans le couloir menant au filet, et les lanceurs de raquettes en bois qui simulent l'attaque du prédateur et oblige les palombes à plonger vers le sol pour se protéger, doivent-ils être titulaires d'un permis de chasser ?

Second volet, sont-ils autorisés à user le talkie-walkie pour tromper l'ennui - voire annoncer le vol - en attendant la vague bleue des heures durant, perchés sur une plateforme d'un mètre carré fixée à un pylône à 15 mètres du sol ? Les gardes ont répondu « oui » à la première, « non » à la seconde.

Face à la présidente Isabelle Legras, cinq prévenus, des gars du village qui se demandent ce qu'ils font là puisque de tout temps ils réservent ce mois à la palombe. Il ne leur viendrait pas à l'esprit de chasser autre chose, d'ailleurs ils n'ont pas de permis, ils aident.

Pas chasseurs

Pour preuve, jamais les gardes-chasses qui viennent aussi accompagnés de collègues pour découvrir la pratique ne les ont verbalisés. Seuls les deux manipulateurs du filet doivent être titulaires du sésame. Ces auxiliaires profitent en récompense du plaisir d'être là à dompter froid, pluie et vent, pour partager entre copains le bonheur fugace d'amadouer la vague bleue quand le soleil d'automne décide de sublimer le paysage.

À la fin du mois, l'équipe se partage 130 ou 140 palombes. Ils le disent, quelques-unes sont vendues aux restaurateurs du coin, les autres terminent rôties dans la cheminée en accompagnement d'interminables soirées à refaire la capture ou en salmis pour régaler les fêtes de famille.

Duel de formules

Me François Ruffié, avocat de la Ligue de protection des oiseaux (LPO) et de la Sepanso, s'élève contre l'usage du talkie-walkie. « Il change complètement la méthode de chasse, s'exclame-t-il. C'est comme faire des canougas avec du Nutella ou de la piperade avec du Ketchup. »

Pour lui, sans discussion, le rabatteur fait action de chasse. Me Ruffié prie le tribunal de dire stop de la plus ferme des manières en réclamant 1 000 euros de dommages et intérêts à chacun des cinq et le remboursement des frais de justice. Chaude douloureuse, dénoncée par Me Lagier pour les chasseurs.

« Même Nicolas Hulot utilise l'ULM ou l'hélicoptère quand il va découvrir la nature, plaide-t-il. La tradition n'exclut pas l'utilisation de procédés modernes. » L'avocat s'attarde surtout à démontrer avec méthode que l'auxiliaire de chasse ne peut être considéré comme chasseur ce qui le dispense de permis et rend caduque l'utilisation du talkie-walkie.

Pour preuve, Me Lagier fait référence à la doctrine de... l'Office national de la chasse et rappelle la définition de l'acte de chasse. Le rabatteur n'est pas chasseur.

L'avocat de la défense plaide sans contrepartie la relaxe : « C'est une chasse rustique, traditionnelle, nous ne sommes pas dans un lâcher de cocottes, c'est aléatoire, il y a un savoir-faire, le vol n'est pas télécommandé. » Le ministère public, pour sa part, requiert des amendes.

Le tribunal se donne jusqu'au 9 mars pour étudier la migration des palombes et dire le droit.

 

Auteur : Dominique Bayle-Siot