Comptage de la migration des Palombes

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Depuis l'automne 1988, les lecteurs de « Sud Ouest » peuvent suivre le passage des palombes en consultant le tableau quotidien. Des années remplies d'oiseaux bleus et d'anecdotes

Vingt ans de comptages

C'était il y a vingt ans. Internet n'occupait pas encore les écrans de nos ordinateurs et les téléphones portables ne faisaient que crachoter dans les villes. Et pourtant les palombes migraient depuis des siècles.

Arrivant du nord et du centre de l'Europe pour aller hiverner dans la péninsule Ibérique, les oiseaux bleus défilaient en vagues sur notre région et se bousculaient dans les cols de haute Soule et du Pays basque. Les palombes passaient mais l'observation se limitait toujours aux oiseaux défilant au-dessus de la tête de chacun.

Si nos ancêtres n'accordaient pas la moindre importance à ce problème de vision parcellaire de la migration et se moquaient comme de leur premier appeau de cet isolement, tout changea avec le développement de la communication.

Des cabanes de Dordogne aux cols du Pays basque, en passant par les palombières landaises et les jouquets de l'Entre-deux-Mers, chaque paloumayre se mit à méditer un jour ces terribles interrogations métaphysiques : « Nous n'avons pas vu de palombes aujourd'hui, mais est-ce qu'il en est passé ailleurs ? » Ou bien : « Nous n'avons rien vu mais peut-être qu'elles arrivent devant. »

Des observations de paloumayres.

Pour obtenir des réponses à ces questions décisives, on téléphonait le soir au cousin du bord de mer ou au neveu du Massif central, la gorge nouée par l'inquiétude.

C'est ainsi qu'en 1988 naquit l'idée de regrouper quotidiennement dans « Sud Ouest » les informations de la migration régionale. À Iraty, les techniciens de la Fédération des chasseurs des Pyrénées-Atlantiques comptaient déjà les nombreux oiseaux empruntant les cols de haute Soule pour passer en Espagne. Les observations de paloumayres installés sur les meilleurs couloirs migratoires situés entre Gers et Atlantique vinrent compléter le tableau qui s'étoffa au fil des saisons.

Ah ! le comptage des palombes ! Il fallut expliquer à des non-initiés que si le compteur de Dordogne annonçait 2 005 palombes passées dans une journée en 5 vols, c'est qu'il avait observé 4 vols estimés à 500 oiseaux chacun, puis une petite volée de 5 rôdeuses.

« Mais monsieur, vous ne les comptez pas toutes. Mon beau-frère qui chasse à droite de Biscarrosse en a vu hier beaucoup plus que votre compteur. Et votre observateur de Grignols, il roupille ? On m'a dit que le ciel était bleu hier à Langon. »

« Mais monsieur, vos gens sont-ils bien sûrs qu'il s'agit de pigeons ramiers ? Savez-vous qu'il passe aussi des hirondelles en automne ? »

Mais, très vite, le tableau du comptage des palombes, qui n'a aucune valeur scientifique mais donne une bonne tendance de la migration, devint le rendez-vous incontournable des paloumayres à l'heure du petit noir. « Diou biban, tu as vu ce qui est passé hier à Lalinde ? On est maudit, ça glisse encore à gauche. »

Une enquête, réalisée dans l'Entre-deux-Mers, permit de s'apercevoir que plus de 80 % de nos lecteurs lisaient chaque jour le comptage des palombes.

Et Internet est arrivé.

Une tradition culturelle qui peut surprendre quand on arrive de Paris, par exemple. Ainsi, Isabelle Juppé avoua dans un journal de bord consacré à sa nouvelle vie bordelaise sa totale surprise à la découverte de ce fameux tableau dans le quotidien régional. Jusqu'au jour où, invitée avec son Landais de mari dans la palombière du regretté Michel Baris à Luxey, elle comprit que les cours de la Bourse n'étaient pas forcément la rubrique la plus recherchée en octobre dans le Sud-Ouest...

Vingt ans sont passés. Les sites Internet consacrés à la migration se multiplient et, jusque dans les cabanes, les appels des amis paloumayres se succèdent sur les portables. Mais le tableau du comptage des palombes - même diffusé dès le soir cette année sur sudouest.com - garde sa place dans nos colonnes.

Il fait partie aujourd'hui du paysage d'une région où l'on passe octobre le nez en l'air à guetter les vols d'oiseaux bleus arrivant du Nord.

« Mais monsieur, vous êtes sûr qu'après l'armagnac, ils ne confondent pas les palombes avec les grues ? »

(1) Le tableau de comptage sera publié à partir du 10 octobre et jusqu'au 11 novembre. Il est consultable sur le site www.sudouest.com.

NATURE

 

Auteur : Pierre Verdet