hiver : Il en manque à l'appel

PALOMBES. --Elles ont été moins nombreuses cette saison à franchir les Pyrénées et à hiverner dans le Sud-Ouest. La douceur du climat et les nouveaux modes de culture sont en cause 

Il en manque à l'appel

:Pierre Verdet

 

Décidément, la migration des palombes 2006-2007 restera parmi les plus faibles de l'histoire de notre région. Les comptages réalisés à l'automne par les techniciens cynégétiques travaillant sur les principaux goulets migratoires pyrénéens pour le compte du GIFS (Groupe d'investigations sur la faune sauvage) avaient déjà montré que 500 000 palombes de moins que les saisons précédentes étaient passées en Espagne. 
De 2 000 000 d'oiseaux, en moyenne, franchissant la chaîne, on était tombé à un peu plus de 1 500 000, chiffre que confirment d'ailleurs les comptages réalisés par les écologistes de l'association Organbideska Col Libre. A ce jour, aucun chiffre de comptage en hivernage n'a été fourni pour la péninsule Ibérique, mais même si on ajoute quelques dizaines de milliers d'oiseaux passés en Catalogne et dans d'autres cols de la chaîne, on reste loin d'une migration transpyrénéenne moyenne. 


Le « mulching » en question. C'est une évidence, moins de palombes sont descendues dans le sud de l'Europe en cette saison 2006-2007. Les chiffres des comptages réalisés dans le Sud-Ouest en hivernage viennent le confirmer (voir encadré ci-dessous ). Avec 650 000 palombes environ en décembre et 480 000 en janvier, il manque un gros tiers d'oiseaux par rapport aux bonnes saisons. Même si, dans le département du Gers, les effectifs étaient assez conséquents, partout ailleurs la chute était nette, à commencer par la Gironde et les Landes. 
En Gironde, on fait valoir que des cultures comme celle des carottes remplacent désormais souvent les champs de maïs et, dans les Landes, on dénonce les effets du « mulching », une méthode culturale imposée par l'Europe dans le cadre de la définition des « bonnes conditions agricoles et environnementales » (BCAE) dont dépendent les aides de la PAC. Il s'agit de broyer les résidus de maïs et de les enfouir dans le sol dans le mois suivant la récolte. Ceci afin de lutter contre les invasions de chenilles comme la pyrale et la sésamie, de réduire le lessivage de nitrates sur le sol et de limiter le développement de mycotoxines. 
Une technique que l'on peut difficilement contester, même si elle prive les palombes et les grues hivernant chez nous de grains de maïs oubliés par les machines. Des dérogations ont été accordées dans quelques communes faisant partie du périmètre d'alimentation des grues, mais la Fédération des chasseurs des Landes s'est vu opposer un refus du ministère de l'Agriculture quand il s'est agi d'étendre le principe à tout le territoire des palombes. 
Le président Lecha vient d'ailleurs d'alerter une nouvelle fois le ministère sur ce sujet, en faisant valoir que, « depuis 2004, début du "mulching", les effectifs de palombes hivernantes ont diminué de moitié dans son département en passant de 380 000 à 160 000 ». Il explique également que « la forte concentration des oiseaux sur les derniers chaumes encore accessibles favorise le développement de maladies très contagieuses comme la trichomonose et la candidose ». 


Grives et bécasses aussi. Les écologistes, et même de nombreux paloumayres traditionnels, estiment qu'on se donnerait moins de mal pour lutter contre une mesure agricole si elle ne remettait pas en jeu la présence massive d'oiseaux dont les chasseurs landais profitaient abondamment depuis l'explosion de la culture intensive du maïs. Mais c'est une autre histoire... 
Le mulching n'est sans doute pas la seule cause de la baisse des effectifs. Cet automne, il y avait une glandée exceptionnelle dans toute la France, y compris dans notre région. Il y avait même des faines en abondance en montagne, mais les palombes ne sont jamais montées les manger pendant l'hiver, comme il y a deux ans. Le garde-manger était donc bien rempli, mais les oiseaux ne sont pas venus. 
« Le même phénomène a été enregistré pour toutes les espèces migratrices cette saison », confirme Richard Beïtia, directeur des services techniques de la fédération des Pyrénées-Atlantiques. « Une bonne moitié des populations de grives, de bécasses et de canards ont également manqué à l'appel. Les palombes ont fait de même. Beaucoup sont restées en Allemagne ou dans le nord de la France. » 
Un automne plus frais nous ramènera-t-il en nombre les beaux oiseaux bleus ? Rendez-vous en octobre.