Passent les palombes 2

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Les conditions météorologiques de cette saison ont provoqué des journées d'embouteillages. Au total, les chiffres sont comparables à ceux des années précédentes

 Iraty

Le vent de sud s'est levé avant l'aube. Il couche déjà les fougères lorsque les premières palombes se présentent au-dessus des maisons blanches de Valcarlos. De petites volées ouvrent la route, littéralement plaquées par les rafales au fond de la vallée de Roncevaux. Les oiseaux, points gris sur le jaune sombre des bois, ondulent comme les méandres du torrent qu'ils survolent. Ils zigzaguent sur une prairie, remontent s'offrir aux bourrasques d'un plateau, puis replongent dans l'ombre de l'ubac. 
Les grands vols arrivent à l'instant où le soleil fait flamboyer les fougeraies. Ils entrent plus haut dans la vallée et chaloupent dans les courants pour essayer de garder une bonne altitude. Mais le vent de sud a le dernier mot. Il éparpille les oiseaux, les étale, transforme les groupes compacts en longues écharpes qui s'enroulent sur les épaules des collines rougies par l'automne. 
Là-haut, vers Ibañeta, c'est la canonnade. Ici, au poste de comptage d'Arnéguy, on n'entend que les « truiit » des alouettes rasant les casquettes et des chiffres lancés à la volée. « 3 000 sur la vallée. 20 retours. Encore 300 passages... » David Acheritogaray, technicien cynégétique de la Fédération des chasseurs des Pyrénées-Atlantiques, et Fabrice Aliacar, son collègue haut-garonnais, n'en finissent pas d'égrener les scores tels des arbitres de pelote basque. Fabien Laugénie, étudiant en BTA gestion faune sauvage à Saint-Pée-sur-Nivelle, noircit ses tableaux fébrilement.

 

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zunphudia



Le grand truc du 28. Ce matin à Arnéguy, il sera passé 60 000 palombes en trois heures. La fin d'un sublime spectacle qui aura duré trois jours : les 27, 28 et 29 octobre. Dates clés de la migration 2002. Au cours de ces trois journées, plus de 1 145 000 pigeons ramiers ont été recensés sur les cinq postes de comptage mis en place au Pays Basque par le GIIFS (Groupe d'investigation international sur la faune sauvage), à Iraty, Arnéguy, Banca, Sare et Urrugne. 
Le lundi 28 restera un grand souvenir pour ceux qui ont eu la chance d'assister à l'incroyable rush des oiseaux bleus, avec 743 000 oiseaux au compteur. En trois jours, c'est plus de la moitié de l'effectif des palombes hivernant dans la péninsule Ibérique qui a franchi la chaîne pyrénéenne. 
Un phénomène qui résume cette saison 2002 très marquée par de difficiles conditions climatiques. Les palombes longtemps coincées par le mauvais temps ont déferlé dès que la porte du Sud s'est ouverte. Le samedi 26 octobre, on n'avait encore comptabilisé que 342 000 oiseaux sur les cinq sites basques, où il passe en moyenne deux millions d'oiseaux par saison. 
Le retard a été comblé depuis. Cette migration se termine sur un score proche de ceux des saisons passées (voir les chiffres cumulés sur le tableau page 22). Hier encore, de très gros vols ont défilé sur le Pays Basque, comme pour conclure l'opération comptage en beauté. 


D'importants reculs. D'autres au même moment préféraient prendre le chemin en sens inverse, sans doute pour s'installer chez nous pour l'hiver. Ce phénomène dit de recul a été constant cette année. « Le mauvais temps a amplifié ces mouvements de reflux et les palombes, qui sont des oiseaux possédant un sens d'adaptation développé, ont parfaitement identifié le Grand Sud-Ouest comme zone favorable pour l'hivernage », explique Richard Beïtia, responsable des services techniques de la Fédération des chasseurs des Pyrénées-Atlantiques. « Celles qui ne franchissent pas les Pyrénées en grosses vagues lorsqu'une bonne fenêtre météo s'ouvre se répartissent ainsi sur un large territoire où elles savent trouver la nourriture nécessaire. » 
On a ainsi vu refluer très tôt des vols importants sur la Dordogne, cette saison. Un département qui a également été une nouvelle fois abondamment servi par le couloir migratoire traversant le centre de la région. Des deux côtés de ce grand axe, que l'on surnomme désormais l'autoroute au sud des Landes et en Béarn, les mouvements sont plus réduits, même si l'année a été bien meilleure que les précédentes sur la côte atlantique. 
Hier matin à Arnéguy, d'immenses vols, certains de plus de 20 000 oiseaux, se sont encore engagés au-dessus de la vallée de Roncevaux, malgré un léger vent d'ouest et des averses. Comme si elles sentaient le beau temps en Espagne, les palombes ont foncé vers le sud, très haut dans le ciel, hors de portée des tireurs.