Le radar à migrateurs

PAYS BASQUE. -- A l'initiative de la Fédération des chasseurs des Pyrénées-Atlantiques, un radar et une antenne acoustique ont été testés pour comptabiliser les oiseaux qui s'apprêtent à franchir les Pyrénées

Le radar à migrateurs

: Pierre Verdet

 



Migrations. Le radar pointé vers le ciel enregistre également les passages d'oiseaux pendant la nuit 
PHOTO YANNICK BAY 

A la fin du mois d'octobre, les touristes en séjour au Pays basque qui visitaient le château d'Abbadia ont sans doute été intrigués par la présence d'un curieux matériel installé dans le parc. Sur fond d'Océan et de baie de Txingudi, ils découvraient un radar fixé au sommet d'une nacelle télescopique dressée vers le ciel. Contrairement à l'observatoire d'astronomie que l'ancien propriétaire des lieux, Antoine d'Abbadie, avait fait construire dans cette grande bâtisse conçue par Viollet-le-Duc, l'engin ne pointait pas les étoiles. Non, ce sont les oiseaux qui expliquent sa présence car le château d'Abaddia, entouré par un domaine de 64 hectares appartenant au Conservatoire du littoral, se trouve sur l'un des principaux axes migratoires de la région. 


Antenne acoustique. Longeant la corniche qui suit les falaises de Socoa, les pigeons ramiers, les grives, les alouettes et de nombreux passereaux défilent le long du golfe de Gascogne pour entrer en Espagne. A vol de palombe, le poste de comptage d'Urugne tenu par les techniciens du Groupe d'investigation sur la faune sauvage (GIFS) se trouve à moins d'un kilomètre et demi du site. « Pour notre expérience, il nous fallait un bon lieu de passage, au calme », explique Richard Beïtia, directeur des services techniques de la Fédération des Pyrénées-Atlantiques. « Complétant le radar situé dans le parc, une antenne acoustique installée dans le donjon capte les cris lancés par les grives et les alouettes lorsqu'elles volent la nuit. Nous voulions savoir si ce dispositif offrait une alternative fiable au comptage classique réalisé par des techniciens dénombrant avec leurs jumelles les vols et les oiseaux. » 
Ce système de comptage au radar a été mis au point par l'Institut méditerranéen du patrimoine cynégétique et faunistique (IMPCF), dirigé par le biologiste et ingénieur en écologie Jean-Claude Ricci. Il a déjà permis de réaliser plusieurs études sur les migrations des grives dans le Sud-Est, sur les canards en Camargue ou sur les pigeons ramiers en Ardèche. 


Aucun oiseau n'y échappe. Le principe est simple : un radar de marine de type Furuno détecte les oiseaux passant dans son rayon d'action, transmet les données à un logiciel qui stocke les images et permet de les analyser. Les relevés sonores de la station bioacoustique viennent compléter les informations du radar. Les palombes, grives et alouettes apparaissent ainsi en petites taches jaunes, leurs trajectoires s'inscrivent en vert sur le fond bleu nuit de l'écran. 
La machine peut repérer des oiseaux volant à des altitudes où ils restent invisibles à l'oeil nu. « C'est un des avantages de ce système », confirme Jean-Claude Ricci. « La tranche d'espace balayée par le radar reste constante et aucun oiseau n'échappe au faisceau. Cela permet au moins d'affiner les résultats des comptages classiques. Grâce aux radars, les ornithologues américains recensent tous les oiseaux survolant le golfe du Mexique », poursuit le scientifique. « Il serait donc possible de quadriller l'ensemble de la chaîne pyrénéenne avec des radars pour y étudier les migrations. Trois radars suffiraient pour couvrir la zone Ouest, entre le littoral basque et Iraty, où s'effectue la majorité des passages. Mais il serait passionnant de pouvoir observer, à l'automne, tous les mouvements entre l'Océan et la Méditerranée. Le radar que nous utilisons coûte 50 000 euros; un camping-car d'occasion suffit pour l'hébergement d'un technicien travaillant sur un ordinateur portable. » Pour le moment, seule la Fédération des chasseurs des Pyrénées-Atlantiques a financé ce test, qui s'est révélé concluant. 
Le 25 octobre, belle journée de passage, les vols de palombes déboulant entre la Rhune et l'Océan se sont succédé sur l'écran, comme les volées de grives et d'alouettes pendant la nuit. 
« Ca marche et nous pensons que l'avenir est là », lance Serge Fedorenko, responsable de la commission migrations à la Fédération 64. « Là, nous sommes seuls, mais nous espérons que ce système sera développé. Il y a vingt ans, quand nous avions commencé à parler de comptages de palombes, on nous avait pris pour des fous. »